J’ai pris une décision étrange, reprendre le métro.
Je l’avais abandonné au profit d’une petite voiture élastique et automatique immatriculé EVA 92, Une voiture de pouf. Un an s’est écoulé et je me suis rendue compte que ma cervelle était petit à petit envahit de pensées agressives et étriquées. Que mes muscles rapetissaient et que mes fesses prenaient une drôle de forme évasées et, enfin et surtout, plus d’odeurs, plus de gens à regarder, à écouter. La voiture, bulle de ferraille, vous isole du monde, des autres et de la vie. Pas de nourriture affective dans une voiture. Plus de curiosité pour son prochain. Juste de l’impatience, quand cela ne vire pas à la haine tout court !
Donc je décide de reprendre le métro et de m’en mettre pleins les narines.
Pour un parfumeur c’est important : les autres. Je suis une voyeuriste des attitudes, des paroles, des gestes, des odeurs où se mêlent effluves de mangeaille, de shampooing, et celles plus sophistiquées de parfums. Tout fait signe. Je gobe. J’inspire. Je grimace parfois. Mais tout cela nourrit mon esprit et mes formules.
Je suis dans le métro.
Le bruit. Et puis : ça m’secou, ça m’secou, avec parfois cette impression d’être comme un coquillage accroché à un rocher, aggloméré et unit aux autres bulots, moules et bigorneaux, au rythme balancé des secousses de la rame qui trace son chemin souterrain. Ca m’secou, ça m’secou, et ce parfum d’humanité résigné qui flotte sous mes narines. Parfois je sens une résistance, un besoin de différence, une envie d’exister : un parfum de fleurs douces ourlées de soie, d'un peu d’iris grenu allongé de vanille, piqué de poivre blanc. Je sourie, j’aperçois à quelques coquillages de moi, une femme brune, bien maquillée, son écharpe colorée nouée juste sous son nez. Elle plonge dans sa propre odeur, celle de son parfum, elle évite ce trajet incontournable qui la mène au bureau, et ouvre sa propre fenêtre. Un sourire à peine dessiné flotte dans ces yeux. Le flacon lui a été offert par son amoureux, la veille : une fragrance douce, sans angle, ronde comme une balle, lisse comme l’oubli, qui remplace un peu les bras de son amant. Une odeur facile, pour la transporter jusqu’à la fin de l’hiver…
Chaque ligne de métro possède sa propre identité odorante. Chaque quartier de Paris aussi : La Défense souffle un certain parfum, le Quartier Latin propose une autre version. Matin, soir, 24h sur 24, sans parler des saisons qui déroulent leur tempo, Paris crée, propage, diffuse et traîne des odeurs différentes.
Au cours de mes pérégrinations je fais mon marché. Je capte des sons olfactifs. J’aperçois des odeurs. Je caresse des vapeurs plus ou moins fines, collantes ou rêches. Et mon imagination fait le reste.
Je l’avais abandonné au profit d’une petite voiture élastique et automatique immatriculé EVA 92, Une voiture de pouf. Un an s’est écoulé et je me suis rendue compte que ma cervelle était petit à petit envahit de pensées agressives et étriquées. Que mes muscles rapetissaient et que mes fesses prenaient une drôle de forme évasées et, enfin et surtout, plus d’odeurs, plus de gens à regarder, à écouter. La voiture, bulle de ferraille, vous isole du monde, des autres et de la vie. Pas de nourriture affective dans une voiture. Plus de curiosité pour son prochain. Juste de l’impatience, quand cela ne vire pas à la haine tout court !
Donc je décide de reprendre le métro et de m’en mettre pleins les narines.
Pour un parfumeur c’est important : les autres. Je suis une voyeuriste des attitudes, des paroles, des gestes, des odeurs où se mêlent effluves de mangeaille, de shampooing, et celles plus sophistiquées de parfums. Tout fait signe. Je gobe. J’inspire. Je grimace parfois. Mais tout cela nourrit mon esprit et mes formules.
Je suis dans le métro.
Le bruit. Et puis : ça m’secou, ça m’secou, avec parfois cette impression d’être comme un coquillage accroché à un rocher, aggloméré et unit aux autres bulots, moules et bigorneaux, au rythme balancé des secousses de la rame qui trace son chemin souterrain. Ca m’secou, ça m’secou, et ce parfum d’humanité résigné qui flotte sous mes narines. Parfois je sens une résistance, un besoin de différence, une envie d’exister : un parfum de fleurs douces ourlées de soie, d'un peu d’iris grenu allongé de vanille, piqué de poivre blanc. Je sourie, j’aperçois à quelques coquillages de moi, une femme brune, bien maquillée, son écharpe colorée nouée juste sous son nez. Elle plonge dans sa propre odeur, celle de son parfum, elle évite ce trajet incontournable qui la mène au bureau, et ouvre sa propre fenêtre. Un sourire à peine dessiné flotte dans ces yeux. Le flacon lui a été offert par son amoureux, la veille : une fragrance douce, sans angle, ronde comme une balle, lisse comme l’oubli, qui remplace un peu les bras de son amant. Une odeur facile, pour la transporter jusqu’à la fin de l’hiver…
Chaque ligne de métro possède sa propre identité odorante. Chaque quartier de Paris aussi : La Défense souffle un certain parfum, le Quartier Latin propose une autre version. Matin, soir, 24h sur 24, sans parler des saisons qui déroulent leur tempo, Paris crée, propage, diffuse et traîne des odeurs différentes.
Au cours de mes pérégrinations je fais mon marché. Je capte des sons olfactifs. J’aperçois des odeurs. Je caresse des vapeurs plus ou moins fines, collantes ou rêches. Et mon imagination fait le reste.